Pour vous tous, avec amour et vent!
CORPS ET POLITIQUE…MICRO-REVOLUTIONS A MONTPELLIER !
UN REGARD HUMAIN ARTISTIQUE,
A PARTIR DE L'EXPÉRIENCE DU CORPS VIVANT
Être personne dans n’importe quel lieu du monde est faire corps avec ce lieu, avec des espaces, avec d’autres êtres, d’autres matières.
Vivre à Montpellier est être et faire corps avec ce lieu là. Être Montpellier, quoi que ceci puisse vouloir dire (!), est être et faire corps avec ceux qui y habitent !... Si on peut, le temps d’une seconde, déplacer notre angle de vue, alors on pourrait décentraliser l’intelligence de notre propre cerveau !
C’est à partir de cet endroit-là qu’il me paraît urgent de parler, puisque c’est à cet endroit-là que mon corps se trouve. C’est ce corps que je suis, que adviens, qui voit, écoute, sens, goute, pense, touche, rêve, marche, choisit, agit. Ce corps-être qui perçoit et sens est chez toute être, non pas un produit-réceptacle d’informations internes et externes, passif, soumis et délégué au fatalisme irréversible du monde, mais plutôt un processus vivant de relations à la fois extrêmement simples et à la fois complexes, plus au moins subtiles, en continuité et transformation permanente avec l’environnement.
Si, à un moment donné, nous parvenons à valoriser, approfondir, regarder de plus prés notre relation a nous-même-corps, considérer les organes de nos sens, le mouvement et le touché-être-touché... Si nous arrivons à prendre la confiance comme un mouvement large et collectif qui ne peut que exister a partir de nous et avec vous-nous tous corps... Si nous pouvons sentir intelligence comme une qualité de nos tissues... Si nous pouvons horizontaliser le savoir, arrêter de penser exclusivement que avec notre cerveau, veiller a notre sensibilité, lutter pour la non-imperméabilité de nos sens...malgré l'évolution de notre espèce, qui nous éloigne tant de nous même, de la terre, de l’origine du mouvement. Si nous pouvons encore prêter attention a l’essentiel des pratiques de la vie, pousser, ramener, accueillir, éloigner, partager, ouvrir, étirer, rétrécir, expandre, embrasser, accompagner, lâcher, attraper, avancer, entrer, etc…
Si nous pouvons sentir que cette ville Montpellier est remplie de mouvements, certes, la plupart déracinés, éloignés d’une culture populaire de fonds, plutôt saturé d’une sorte d’agitation de surface, très focalisée sur l’image et la représentation, donnant peu de priorités aux questions de fonds comme le logement, l’immigration, la séparation, une véritable volonté d’intégration des diverses populations qui co-habitent…
Dans mon corps je sens une passivité traduite par une manque de densité, de mouvement constructif, actif et engagé dans l’être. Je sens l’impasse, je sens la spirale, je sens l’épuisement d’une énergie vitale qui nourrit ses sources dans un équilibre entre tradition, nouveauté, chair, intellect, action, réflexion, investigation, projet, envol et enracinement, ...
Avec l’initiative des assemblés populaires sur la Place de la Comédie de Montpellier, mouvement lancé par un ensemble de personnes dites indignées, j’ai pu percevoir un chaos certes, mais aussi la puissance et l'inconnue propre du début de quelque chose qui se prête à être en création, une sensation de tissage, de possibilité d’être dans le « ne pas savoir ». Mon corps sens l’agitation du début, sens la densité des possibles et l’espace qui s’ouvre quand on fait la gymnastique de l’écoute, quand l’ensemble des êtres et des ressentis donne lieu a l'émergence du renouveau. Il n’y a pas de miracle ! Il y a le travail, la laborieuse tâche d’être ensemble ! Et parfois ça se referme. Ré-ouvrir exige de recommencer avec les nouveaux micro-savoirs en train de se recréer, fruit des différentes présences cellulaires tournées vers une attention collective, globale, qui est, arrêtons de douter, bien évidement potentiel d’autonomie, de transformation, d’une autre vision de nous dans ce monde auquel nous participons car nous y sommes !
Avec le temps l’écoute se transforme, le focus se balade, la fluidité se transforme, les obstacles apparaissent... On change de position, on bouge autrement, on pose les mains quelque part, on change de place dans le cercle, on s’agite ou on se fige... Le mouvement est la seule forme d’évolution en dialogue, aussi dans notre chair. Le corps est lui même politique puisque impliqué fortement et inconditionnellement dans la pratique du vivant qu’il est, dans la laborieuse tâche de respirer, tisser, créer, communiquer, échanger, donner et recevoir dans le même embrassement, car il n’existe pas d’attraction terrestre sans force répulsive du sol, ou nous tomberions effondré sur nous même, car il n'existe pas d’ouverture sans fermeture, ou nous serrions morts en collapsant…?!
L’émotion qui consiste à faire co-habiter ressenti et pensée dans le même mouvement d’action est forte et puissante. Il ne s’agit pas du pouvoir mais du potentiel de l'être, de l’individu et du groupe. La culture et l’art en particulier ont ici un rôle essentiel, puisque elles donnent la possibilité de déplacer notre regard, de voir la réalité a partir de sa fissure et puis de là, les possibles re-constructions. Et la culture sommes nous, les gestes, rituels, savoirs, mouvements que nous habitons et transmettons. L’art existe en nous tous comme outils de subversion, de transformation, puis le corps, en particulier, nous permet de voir l'émergence des choses en création, d’accompagner ce début des choses nouvelles (parfois déguisées de répétitions apparentes) tant nécessaires actuellement. L’art est notre capacité à ré-inventer un nouveau regard sur la réalité, un regard qui nous permettra peut être de creuser le début des nouveaux chemins. L’art se fait quand on se prête à un temps, un espace et une attention particulières.
A Montpellier la culture est abordée souvent comme un objet de valeur purement matériel et de marchandise, alors qu’elle est matière vive. En tant que danseuse je trouve que la danse est encore beaucoup trop vendue de et pour un certain type de public, et en priorité pour ce qu’elle peut avoir de spectaculaire, puisque ainsi se define divertir et entretenir une population, la distraire. Profondeur est souvent confondu avec poids, et le sérieux avec l’absence du rire engagé à partir de son origine authentique.
A chaque pensée soutenue par un ressenti, il y a un changement musculaire, une activité neuronale, un tonus émotionnel. La pensée n’est donc pas une perception immatérielle mais une activité spontanée, un processus physiologique, tel que les sensations et les émotions. Donc le sensoriel et la cognition sont expérience incarnée dans le corps. Donc continuons le MOUVEMENT de parler, penser, se mouvoir, agir, innover, transformer ensemble !!!
Si on regarde de plus près ce corps, en faisant un zoom en direction de soi, de notre constitution, nous arrivons à la cellule, unité de vie de base. Le corps est fait de cellules.
« Les cellules sont les unités de base de la vie, blocs de construction de toutes les choses vivantes. (...) Au niveau cellulaire, le corps humain a été comparé à une grande ville vaste. (...) Les centaines de types de cellules différentes qui existent en nous travaillent en superbe harmonie pour réguler tous les processus de vie essentiels - transformation de la nourriture, production et stockage ; réparation, transport et élimination de déchets ; surveillance et défense ; communication et administration. Les cellules existent sous diverses et merveilleuses formes. Dans la plupart des cas leur forme est reliée à leur fonction. Par exemple, les cellules rouges qui transportent l’oxygène vers les tissus et qui récupèrent le dioxyde de carbone à partir des tissus, sont des petits disques aux parois élastiques pour qu’elle puissent se glisser à travers les capillaires les plus étroits.»
La cellule comme nous, respire. Elle échange oxygène contre dioxyde de carbone à travers sa membrane-peau, ce qui lui permet de se nourrir, de toucher, et communiquer avec son entourage. Au moment où j’écris cela, je réalise que je suis là depuis des heures et je suis traversée par une espèce de contraction de ma cage thoracique. Je manque d’oxygène pour penser et pour sentir. Je me lève et je vais ailleurs de moi, là. Je respire.
La cellule vivante a la capacité de se diviser, de créer d’autres cellules qui lui ressemblent. Elle porte en soi cette autonomie. C’est la rencontre entre deux cellules humaines différentes, dites ovule et spermatozoïde, qui fait naître une nouvelle première cellule, dite œuf. Son développement n’est pas linéaire mais se produit par vagues d’évènements complexes qui ne se succèdent pas les uns à la suite des autres, mais qui se chevauchent et qui évoluent dans de perpétuels allers-retours. Cet œuf porte donc en soi la possibilité de construire un moi adulte, un individu absolument unique, un être humain qui change à chaque respiration, à chaque battement de cœur, en fonction de son homéostasie interne (équilibre), de son rapport à l’environnement et de ses interactions avec les autres, donc en évolution et transformation constante.
Pendant le développement ontogénique de cet être humain, la création de soi se fait du milieu liquide qui entoure le futur bébé dans le ventre de la maman, jusqu’au milieu aérien et terrestre dans lequel le nouveau-né se dresse jusqu’à la bipédie vertébrale et verticale.
Parallèlement, dans l'évolution phylogénétique, la respiration cellulaire s’établit d’abord dans les océans de la terre et se poursuit avec chacune de nos cellules qui nagent dans la mer intérieure de notre corps. Si cette respiration se manifeste librement, l’embryon se développe pleinement. Les premiers sens à se mettre en place sont le toucher et le mouvement qui se développent en simultané et en réponse à l’expérience. Ils sont nos premiers patterns d’apprentissage. Ses organes de perception se localisent dans le corps tout entier, dans chaque cellule. Ils nous permettent de savoir aussitôt qui nous sommes et qui nous ne sommes pas.
Les organes de perception du mouvement sont dans les récepteurs proprioceptifs (Relatif à la conscience de son propre corps) et kinesthésiques (Relatf au positionnement dans l’espace), situés dans les articulations, les ligaments, les muscles, les tendons, les récepteurs intéroceptifs (Relatif à la sensibilité viscéral) situés dans la paroi des organes, ainsi que dans l’appareil vestibulaire (Relatif au sens de l'équilibre) de l’oreille interne.
Le toucher est présent essentiellement au niveau de la peau, l'organe le plus étendu du corps, enveloppe externe du système nerveux. La peau est vibration, toucher, pression et température. La peau est un moyen de rapport social et de communication.
Avec le corps tout entier nous touchons et nous sommes touchés. Avec le corps tout entiers nous sentons, nous pensons, nous apprenons. Nous nous défendons (déplaisir), et nous nous lions (plaisir). De la cellule en nous à la personne qui est à côté, à la communauté voisine, nous existons et nous sommes nous mêmes porteur de notre autonomie interactive, et cela depuis très tôt.
En effet, tous les embryons développent à un moment donné lors de leur constitution dans le ventre de la mère, la capacité autonome de générer un sac vitellin (nourriture) et un sac amniotique (protection). C’est plus tard que cet embryon se plie et se donne lui même la possibilité de former un cordon ombilical qui le mettra en relation de dépendance avec sa mère pendant un certain temps.
Regarder de près ce lien entre l’intérieur et l’extérieur du corps devient donc indispensable. Le travail d’une danse qui éveille et accompagne les mouvements créatifs à travers le zoom in et out du corps, permet de maintenir la capacité de se relier à la vie, créatrice en soi, et ainsi régénérer sa matière, son souffle ; s’appuyer, respirer, se déplacer, guérir. Conquérir une identité personnelle et gagner de l’autonomie.
La danse se pratique chez tout être qui se laisse danser… la danse est dans la marche d’un homme dans la rue, dans les vols des oiseaux, dans la pensé d’un chercheur passionné, dans un bal populaire, et dans un cercle vivant des indignés…Nous ne sommes pas tous danseurs, nous ne sommes pas tous artistes, nous ne sommes pas tous politique, nous ne sommes pas tous révolutionnaires ! Mais en nous tous, la danse, l’art, la politique, la révolution, peuvent parfois être, exister...
La danse peut être la micro-révolution d’un être qui décide de traverser une place de manière déterminée…la révolution est déjà dans nos pensés, dans nos sexes, dans nos pieds, dans notre manière de nous asseoir, de déchirer un espace pour dire ce qu’on sens, dans un geste habité, dans un détail fulgurant… Puissions-nous jamais douter de celà !
Quand cette danse qui exprime réalité en transformation arrive, est là, je le sens, tout mon corps s’organise au tour d’un acte poétique-politique qui se laisse traverser par les réalités présentes, sans vouloir les figer, les arrêter, les représenter au lieu de les sentir, sans vouloir les approvisionner, même sans les ignorer. A ce moment là les liens se font, les relations se propagent, nous avançons, même si avec peur, sans oublier qu'aucune des cellules de nos corps a cet instant arrêtent d’exister, mais plutôt se transforment, se reconfigurent pour accompagner le mouvement des autres parties de notre corps, de nous.
Que le mouvement puisse continuer !
Sara Jaleco.
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